DE LA VAISSELLE EN PIERRE A LA CERAMIQUE

RYTHMES, CAUSES ET MODALITÉS D’UNE ADOPTION TARDIVE DE LA POTERIE AU LEVANT SUD (7ÈME MILLÉNAIRE)

Financé par l'Agence Nationale de la Recherche (ANR)
CE27 Cultures, Creation, Patrimoine
Project n° ANR19-CE27-0001
Budget: 341.031,60 euros
du 01/01/2020 au 30/06/2024 (soit 54 mois)

Au Proche-Orient, le Néolithique marque une période de profonds bouleversements économiques, sociaux et symboliques qui affectent particulièrement les habitudes alimentaires des groupes préhistoriques. L’introduction progressive de plantes (blé, orge, lentille) et d’animaux (chèvres, moutons, bœufs) domestiques dans la composition des plats s'accompagne d'une diversification des ustensiles de cuisine (en pierre, en chaux et en céramique) servant à stocker, préparer et servir. Autrefois composées de contenants en bois, les batteries de récipients s’enrichissent de vases en pierre au Natoufien (12ème millénaire av. J.-C.), en chaux au Pre-Pottery Neolithic B (8ème millénaire) et en céramique au Early Pottery Neolithic (7ème millénaire) [1]. La pratique de la poterie apparaît en Mésopotamie Occidentale aux alentours de 6900 av. J.-C., avant de se propager dans le reste du Croissant fertile durant les siècles qui suivent par diffusion culturelle ou démique [2]. Parce que la poterie y apparaît de façon tardive (seconde moitié du 7ème millénaire av. J.-C.), le Levant Sud est jusqu'ici resté en marge des recherches sur les premières productions céramiques du Proche-Orient [3]. Ce corridor, situé au carrefour de l'Asie et de l'Afrique, voit se constituer une mosaïque d'entités culturelles au début du Pottery Neolithic dont le Yarmoukien (entité A), le Byblos (entité B), le Korenien (entité C) et le Jericho IX (entité D) sont les plus emblématiques [4] (Fig. 1). Malgré la rareté des études entreprises sur les plus anciennes poteries du Levant Sud, plusieurs scénarios historiques ont été envisagés pour expliquer l’émergence de la céramique dans cette partie du Croissant fertile. Si certains spécialistes ont plaidé en faveur d'une introduction rapide de poteries utilitaires due à une migration de populations potières originaires du Levant Nord [5],[6], d'autres ont soutenu l'hypothèse d'une adoption progressive de céramiques à forte valeur symbolique par les populations pré-céramiques du Levant Sud [7],[8]. Les théories formulées jusqu’ici restent toutefois hautement spéculatives faute de données consistantes sur les contenants préhistoriques de la fin du Pre-Pottery Neolithic (1ère moitié du 7ème millénaire av. J.-C.) et du début du Pottery Neolithic (2ème moitié du 7ème millénaire av. J.-C.).

 

Le projet CERASTONE vise à éclairer les rythmes, les causes et les modalités d’adoption généralisée de la poterie au Levant Sud (Work Package 1). Autrement dit, Quand et selon quel rythme les populations du Levant Sud ont-elles adopté la poterie (Work package 2) ? Pourquoi se sont-elles mises à utiliser de la vaisselle en terre cuite (Work package 3) ? Comment ont-elles intégré la pratique de la poterie (Work package 4) ? Pour répondre à ces questions anthropologiques, nous avons choisi de centrer notre analyse sur le mobilier des 10 habitats stratifiés clés du 7ème millénaire av. J.-C. répartis au sein des quatre principales entités culturelles du EPN : Sha’ar hagolan et Munhata localisés dans la vallée du Jourdain (entité A), Nahal Zippori 3, Tel Itzaki et Ein El Jarba implantés dans la vallée du Jezreel (entité B), Beisamoun, Hagoshrim et Tel Roim West localisés dans la vallée du Hula (entité C), Lod et Nahal Yarmouth implantés dans la vallée du Besor (entité D) (Fig. 1). Tous ces sites ont livré des assemblages de contenants conséquents et diversifiés composés de centaines de récipients en céramique, en chaux et en pierre. Parce que ces trois catégories de vaisselles montrent des affinités stylistiques (copie de certaines formes et décors), techniques (montage aux colombins sur support de vannerie par exemple) et fonctionnels (usage pour le service notamment) évidentes, il nous a semblé naturel d’en entreprendre l’étude croisée (Fig. 2). Cette approche comparée, tout à fait innovante, sera possible grâce au recours à des méthodologies communes entre spécialistes de la céramique, de la chaux et de la pierre. Elle permettra d’explorer en profondeur les transferts stylistiques, techniques et fonctionnels susceptibles de s’être produits entre les 3 catégories de contenants utilitaires et, par-delà, de mieux saisir les rythmes, les causes et les modalités d’émergence de la technologie céramique au 7ème millénaire dans cette partie de la Méditerranée.